Le mariage

Benjamin Franklin disait généreusement qu’ « un célibataire n’a pas la valeur qu’il atteint dans le mariage. Il ressemble à la moitié dépareillée d’une paire de ciseaux. »

Lors de l’avènement du Code civil en 1804 par Napoléon Bonaparte, le mariage était le seul cadre familiale autorisé – ou du moins pensé – par la loi. Force est de constater que de nos jours la balance s’est inversée puisque le pluralisme familial s’est installé. La loi du 17 mai 2013 autorisant les personnes de même sexe à se marier en est la dernière composante à ce jour.

I – La différence de sexe

Depuis des temps immémoriaux, la condition essentielle au mariage fut la différence de sexe entre les deux époux. Cela nous paraissait évident mais pourtant cette obligation n’était pas mentionnée explicitement dans le Code civil. La formulation était la suivante : « L’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »
Cette légère faille rédactionnelle a été utilisée par certains pour célébrer un mariage entre deux personnes de même sexe. A ce titre, Noël Mamère, maire de Bègles en 2004, a tenter l’expérience. Cependant, la Cour de cassation avait annulé le mariage au motif que le mariage ne pouvait être l’union que d’un homme et d’une femme.

Il faudra attendre la loi du 17 mai 2013, souvent appelée « Mariage pour tous » pour que cette différence de sexe soit écartée. Depuis cette loi, qui fut une promesse de campagne du candidat François Hollande, « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe » (article 143 du Code civil).

II – L’âge légal

Jusqu’en 2006, l’âge légal pour se marier n’était pas le même exigé pour l’homme et la femme. En effet, la gente féminine pouvait prétendre au mariage dès l’âge de 15 ans, alors que le gentleman futur-ex-célibataire devait être âgé de 18 ans.
La loi du 4 mars 2006 est venue uniformiser cet ensemble. Dès lors et jusqu’à présent, le futur couple doit attendre leur dix-huit printemps pour se marier.

Si âge minimal il y a, en revanche, âge maximal il n’y a pas. L’union dit in extremis, c’est à dire en cas de mort imminent d’un des époux, est possible, à condition toutefois que le consentement soit libre et éclairé au sens de l’article 146 du Code civil.

III – Le consentement

La base du mariage réside dans la volonté des futurs époux d’établir une relation commune et stable. Tant et si bien, le consentement doit être libre et éclairé. Si cette condition n’est pas respectée, le mariage pourra s’avérer caduque. Lors de l’échange des consentements, chacun des époux doit être en pleine possession de ses moyens mentaux. Ainsi, une personne atteinte d’un trouble psychique et/ou mental affectant ses capacités de réflexion, ne peut contracter mariage. C’est le cas par exemple d’une personne sous l’emprise de l’alcool voire de drogues.

Nous ne pouvons le nier, la multiplication des mariages blancs dans le seul but d’obtenir la nationalité française est une question qui est toujours d’actualité. Le mariage blanc est définit comme une union frauduleuse dont la finalité n’est nullement d’intention matrimonial. Cette pratique est utilisée principalement par des étrangers – notamment des immigrants – qui épousent une personne du pays dans lequel ils souhaitent s’installer dans le seul but d’obtenir une autorisation de séjour, un logement ainsi que la nationalité de la personne épousée. Dans ce cas là, les deux personnes sont complices. La sanction civile est la nullité du mariage pour défaut de consentement mais il s’en suit d’une sanction pénale qui est de 5 ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Un nouveau terme est apparu il y a quelques années, celui de « mariage gris » qui a contrario du mariage blanc n’est calculé que par l’étranger souhaitant profiter de la personne qu’il veut épouser. Le mariage gris est celui d’un étranger souhaitant se marier dans le seul but d’obtenir la nationalité de la personne épousée. Il s’agit bien ici d’une tromperie car la victime ne connait pas les mauvaises intentions de l’étranger.

A chaque fois que le mariage n’a pas pour volonté l’union matrimoniale, la nullité pourra être prononcée. En ce sens, la Cour de cassation dans son arrêt en date du 19 décembre 2012, a invalidé le mariage entre deux personnes, pour la simple et bonne raison que l’épouse n’avait contracté mariage en 1996 que dans le seul but d’obtenir le patrimoine de son mari après l’avoir tué.

IV – Les vices du consentement

Le Droit ne différencie que deux types de vices : l’erreur et la violence. Le dol – c’est à dire la tromperie – est absent de ces vices. En ce sens, nous retenons la maxime de Loysel, qui nous disait généreusement : « En mariage, trompe qui peut ».

La violence peut être physique ou morale. Elle doit se caractériser par une certaine gravité et doit être injustifiée – encore faut-il définir ce que serait une violence justifiée à l’égard de son époux(se). L’article 180 du Code civil s’est vu modifié par la loi du 4 mars 2004 précisant que « L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. »

L’erreur peut porter tant sur la personne du contractant que sur l’objet, c’est au point que si la personne avait connu la vérité elle n’aurait pas consenti au mariage.

Article 180 du Code civil : « Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.

S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage. »

V – Les interdits

L’inceste et la polygamie ne sont pas autorisés en Droit français.

a) Principes

Le mariage entre les personnes d’une même famille est considéré comme incestueux et n’est donc pas autorisé en Droit français. Par ailleurs, on ne peut pas se marier une seconde fois, si le premier mariage n’a pas été dissout.

Article 161 du Code civil : « En ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants. »

Article 162 du Code civil : « En ligne collatérale, le mariage est prohibé, entre le frère et la sœur, entre frères et entre sœurs. »

Article 163 du Code civil : « Le mariage est prohibé entre l’oncle et la nièce ou le neveu, et entre la tante et le neveu ou la nièce. »

Article 147 du Code civil : « On ne peut contracter un second mariage, avant la dissolution du premier. »

b) Cas particulier

Quelle est la reconnaissance en France d’un mariage polygame légalement célébré à l’étranger ? La Cour de cassation, réunie en première chambre civile le 24 septembre 2002 estime qu’à partir du moment où les lois nationales des époux autorisent la polygamie, le mariage ne sera pas nul en France. En revanche, et selon la décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 21 juin 1991, si un étranger polygame souhaite se marier en France, il devra alors prouver que son premier mariage a été dissous.

VI – Célibataire exigé… ou pas !

Intéressons-nous désormais à ce que l’on appelle « les clauses de célibats ». Elles sont purement et simplement illégales. Mais qu’elles sont-elles ? Ces clauses, insérées dans un contrat de travail, interdisent au salarié de se marier s’il souhaite garder son poste. Cela peut paraître incongru en 2015 et pourtant clauses de célibats il y a eu. Air France avait pour habitude d’user de ces clauses contre leurs hôtesses de l’air. En 1963 la jurisprudence a tranché et les ont annulées, les estimant contraire à l’ordre public. Dix-neuf ans plus tard, la Cour de cassation réunie en chambre sociale le 10 juin 1982 a étendu cette décision aux clauses interdisant les salariés à être également conjoints entre eux.

VII – L’opposition au mariage

C’est l’acte par lequel certaines personnes qualifiées font connaitre à l’officier d’état civil qu’en raison d’un motif indiqué par la loi, elles entendent mettre obstacle à ce que le mariage soit célébré.

La question que l’on peut se poser est la suivante « Qui peut faire opposition et pour quel motif ? »

Les ascendants – à condition de l’autorité parentale n’ait pas été retirée – peuvent faire opposition pour tous motifs dès qu’une des conditions de fond ou de forme n’est pas respectée.

Voici enfin la liste des personnes qui peuvent faire opposition mais sur des motifs déterminés :

  • Le conjoint pour bigamie ;
  • Le(s) frère(s), sœur(s), oncle(s), tante(s), cousin(e)(s) s’il n’y a pas les ascendants pour les deux motifs suivants : défaut de consentement et démence du futur époux ;
  • Le tuteur ou le curateur avec autorisation du Conseil de famille pour les mêmes causes ;
  • Le Ministère public pour des raisons contraire à l’ordre public.

Cette opposition interdit donc à l’officier d’état civil de procéder à la célébration du mariage.

Article 68 du Code civil : « En cas d’opposition, l’officier d’état civil ne pourra célébrer le mariage avant qu’on lui en ait remis la mainlevée, sous peine de 3 000 euros d’amende et de tous dommages-intérêts. »

Au niveau de la nullité, nous devons distinguer la nullité relative d’une part et la nullité absolue d’autre part.

En nullité relative, nous trouvons :

  • Le vice du consentement (erreur / violence) ;
  • Le défaut de consentement familial lorsque celui-ci était requis.

En revanche, nous distinguons six cas de nullité absolue :

  • Défaut de consentement ;
  • Impuberté (âge minimal non respecté) ;
  • Polygamie ;
  • Inceste ;
  • Clandestinité de la célébration ;
  • Incompétence territoriale de l’officier d’état civil.

Article 181 du Code civil : « […] la demande en nullité n’est plus recevable à l’issue d’un délai de cinq ans à compter du mariage. »

VIII – Les devoirs des époux

Les époux doivent respecter quatre devoirs réciproques :

  • Fidélité ;
  • Assistance ;
  • Respect mutuel ;
  • Communauté de vie.

a) Le devoir de fidélité

Les époux se doivent fidélité même si cette notion n’est pas clairement définie par le Code civil. Si deux personnes s’unissent par les liens sacrés du mariage, elles consentent à avoir une exclusivité sexuelle à l’égard de l’autre. Ainsi, toute tentation extérieure devra être sévèrement réprimée.

Article 242 du Code civil : « Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »

b) Les devoirs d’assistance, de respect mutuel et de communauté de vie

Les relations entre les époux doivent être gouvernées par l’entre-aide, l’affection, la solidarité, la sincérité, la prévenance… Ils doivent s’épauler au quotidien.

Il est intéressant de noter qu’une interruption volontaire de grossesse est un choix personnel, mais si la femme demande une IVG sans avoir averti l’homme, cela pourra être considéré comme une faute.

Le devoir de communauté de vie créé la notion d’interdépendance des époux. Ils doivent contribuer ensemble aux charges du mariage, c’est à dire à leur train de vie, mais à proportion de leurs facultés respectives. Aucun des époux ne peut se dédouaner de ses responsabilités et la Justice peut être très sévère. Elle peut condamner, sous le visa des articles 1070 et suivants du Code civil, l’époux ne souhaitant point participer aux frais du ménage, à verser une pension à l’autre voire carrément de dissoudre le régime matrimonial. Dans ce cas, l’époux mis en cause, pourra être tenu de rembourser sa part eut égard des cinq dernières années de vie commune.

IX – Le remboursement des dettes

Le mariage a cette belle ambition de transformer l’individuel en collectif. L’homme et la femme passent ainsi de la sphère personnelle, à la sphère familiale. Ce qui appartient à l’un appartient à l’autre et vice-versa.
En matière de dettes, la loi sous le visa de l’article 220 du Code civil pense de la même manière. Les dettes contractées par un seul, engage la responsabilité collective.

Article 220 du Code civil : « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.
La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.
Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

En revanche, l’achat excessif – ou non – ayant entraîné une dette doit concerner les dépenses de la vie courante du ménage (nourriture, habillage, énergie, hébergement, transports, frais scolaires etc.). Tant et si bien, tout achat n’ayant pas de lien avec la sphère familiale écarte ce principe de solidarité. Il en sera de même pour les achats manifestement excessifs eus égard au train de vie du ménage. Par exemple si monsieur décide d’acheter seul un véhicule dont le ménage n’a pas les moyen d’acquérir, madame – ou monsieur numéro deux – ne sera pas solidairement tenu de rembourser la voiture.

X – Une indépendance non écartée pour autant

Nous l’avons étudié, le mariage est l’union de deux individus isolés, devenant ainsi un couple à l’harmonie parfaite où le partage domine. Cependant, les époux restent libres dans bien des domaines.

En vertu de l’article 225 du Code civil, chacun des époux pourra disposer à sa guise des biens qui leurs sont propres.

Par ailleurs, chacun des époux conservera une autonomie pleine et entière dans leur sphère professionnelle. Ils pourront choisir librement leur profession à condition toutefois de ne pas constituer un manquement grave à leur devoir ou mettant en péril les intérêts de la famille.

Article 223 du Code civil : « Chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s’être acquitté des charges du mariage. »

Article 220-1 alinéa premier du Code civil : « Si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. »

Ainsi, et dans une logique la plus totale, les époux disposent librement de leur salaire, qu’il soit principal ou accessoire (salaire + primes éventuelles). Bien évidemment l’article 223 du Code civil va de pair avec l’article 220-1, puisque liberté il y a, à condition toutefois de respecter les engagements du mariage.

Toujours en respectant ce que les liens du mariage unissent, l’un des époux ne peut pas assumer seul les charges du ménage pendant que l’autre ira dépenser son argent comme bon lui semble. La liberté donnée aux époux s’analyse toujours en respect de leurs obligations nées lors du mariage (fidélité, assistance, respect mutuel et communauté de vie).

Sources

Source de l'image : Pixabay

Autres articles dans Le couple

Pacte civil de solidarité (PACS)

Selon l’article 515-1 du Code civil, « Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune. »

Fiançailles

Les fiançailles de nos jours n’ont plus la même définition charnelle que dans le temps. Chacun se fiance au gré de ses humeurs. Il reste pourtant quelques irréductibles hommes et femmes pour qui cette union a du sens. Juridiquement qu’en est-il ?