Le refus du salarié d’adhérer à certaines valeurs de l’entreprise ne peut être une cause de licenciement

Dans son arrêt rendu le 9 novembre 2022, la Cour de cassation vient rappeler le principe de la liberté d’expression et d’opinion dont jouit chaque salarié au sein et en dehors de l’entreprise. Nul ne peut être licencié en cas de refus d’adhérer à certaines valeurs de l’entreprise.

En l’espèce, un Directeur d’une société a été licencié pour insuffisance professionnelle au motif d’« une absence d’intégration de la valeur « fun & pro » de l’entreprise, qui se traduisait par la nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive encouragée par les associés qui mettaient à disposition de très grandes quantités d’alcool, et par des pratiques prônées par les associés liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages. »

Le salarié saisit le Conseil des Prud’hommes, afin d’obtenir la nullité du licenciement, sa réintégration dans l’entreprise, ainsi que le versement d’indemnités, considérant que son refus participait de sa liberté d’opinion et d’expression. La juridiction Prud’hommale a rejeté la demande du salarié, qui a alors interjeté appel de la décision rendue.

La Cour d’Appel quant à elle, pour également rejeter la demande du salarié, avait estimé « que les reproches adressés au salarié portaient sur son comportement et ne remettaient pas en cause ses opinions personnelles, tout en constatant qu’il était reproché au salarié son désaccord sur les méthodes de management des associés et les critiques de leur décision ».

Heureusement dans cette affaire, la raison revient à la Cour de cassation qui décide à juste titre de casser et d’annuler l’arrêt rendu par la juridiction du second degré. En effet, la Haute Juridiction a reconnu que « le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié, de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement ».

La solution de principe retenue par la Cour de cassation est la suivante : « Qu’est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie le licenciement intervenu à raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression » ; mais également « qu’est nul le licenciement intervenu en violation du droit fondamental du salarié à la dignité et au respect de sa vie privée » et enfin « qu’est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie le licenciement intervenu à raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression ».

La Cour rappelle ainsi que « le refus du salarié de participer à cette politique basée sur le partage de la valeur « fun and pro » et de l’incitation à divers excès, participait bien à sa liberté d’expression et d’opinion, sans qu’un abus dans l’exercice de cette liberté ne puisse être caractérisé ».

Enfin, l’arrêt nous permet d’en apprendre d’avantage sur les pratiques de la société et des valeurs qu’elle met derrière la culture du « fun & pro » en vigueur qui était caractérisée par des pratiques humiliantes et intrusives dans la vie privée telles que des simulacres d’actes sexuels, l’obligation de partager son lit avec un autre collaborateur lors des séminaires, l’usage de sobriquets pour désigner les personnes et l’affichage dans les bureaux de photos déformées et maquillées…

Parallèlement à cela, comment ne pas s’arrêter un instant sur la liste des articles violés par les juges du fond qui est à la fois longue comme le bras, mais également assez impressionnante en matière sociale. Je vous invite à les retrouver ci-après.

Sources

  • Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 novembre 2022 ,
  • Articles 1er et 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946,
  • Article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,
  • Article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000,
  • Article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
  • Ensemble les articles L. 1121-1 et L. 1232-1 du code du travail,
  • Articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail,
  • Article 455 du code de procédure civile.
Image de couverture : Pixabay

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