Notion de vulnérabilité

« L’abus de faiblesse doit s’apprécier au regard de l’état de particulière vulnérabilité de la victime au moment où est accompli l’acte qui lui est gravement préjudiciable »

Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans son arrêt en date du 26 mai 2009.

En l’espèce, madame Claire B a frauduleusement abusé de l’état de faiblesse de Xavier M., personne dont la vulnérabilité était apparente ou connue d’elle, en se faisant remettre par lui des chèques d’un montant total de 12 000 euros et en obtenant qu’il se marie avec elle.

Claire B est donc poursuivit du chef d’abus de faiblesse devant les juridictions pénales. Les juridictions de première instance l’ont condamné de ce chef mais Claire B a interjeté appel, de même que le ministère public et les parties civiles.

La Cour d’Appel infirme le jugement et relaxe la prévenue faute d’élément intentionnel au motif que « la prévenue ne pouvait ignorer l’état de vulnérabilité de Xavier M. lors de ses visites à l’hôpital à l’occasion desquelles les chèques lui ont été remis et que l’intéressé ne pouvait pas présenter un état mental ordinaire lors du mariage, énonce que d’une part la remise de chèques constituait une libéralité correspondant à la volonté préalablement affirmée par Xavier M. et que d’autre part, celui-ci avait manifesté avant sa maladie le souhait de l’épouser. »

La Cour de cassation réunie en chambre criminelle, dans son arrêt en date 26 mai 2009, CASSE et ANNULE l’arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux et RENVOIE les parties devant la Cour d’Appel de Toulouse.

Les juges de la Cour de cassation ont dû se poser la question suivante :

« Le fait par une personne de se faire remettre de l’argent par une autre, dont la vulnérabilité est apparente, et que cette action lui est préjudiciable, est-il constitutif d’un abus de faiblesse ? »

A cette question, les juges ont répondu de la manière suivante :

« L’abus de faiblesse doit s’apprécier au regard de l’état de particulière vulnérabilité au moment où est accompli l’acte gravement préjudiciable à la personne ».

Qu’est-ce que cet arrêt nous apporte ?

L’application de la loi pénale étant d’interprétation stricte, il faut déjà rechercher un texte qui incrimine l’acte non-autorisé. Dans ce cas nous pouvons prendre l’article 223-15-2 du Code pénal qui dispose :
« Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

Lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende. »

Il doit y avoir la réunion de deux éléments, nous explique Michel VERON, doyen honoraire de la faculté de droit de l’université de Paris XIII. D’une part, en ce plaçant du coté du coupable, il faut établir que la particulière vulnérabilité de la victime est apparente ou connue de lui, et, d’autre part, en se plaçant du coté de la victime, établir qu’elle a été conduite à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciable.

Ces deux notions étant intimement liées, la Cour de cassation estime que dès l’instant que la vulnérabilité de la victime et sa connaissance par le prévenu ont été établies, celui-ci ne peut échapper à une condamnation.

Une chose intéressante est à noter dans cet arrêt, c’est du point de vue de la Cour d’Appel. Elle estime que la prévenue ne peut être condamnée étant donné qu’il y a un caractère intentionnel et volontaire de la part de la victime. Xavier M. a VOLONTAIREMENT donné de l’argent et a manifesté AVANT sa maladie la VOLONTÉ de se marier avec Claire B.
La Cour de cassation elle, censure pour contradiction de motifs cette décision qui estime qu’une personne vulnérable accomplit de son plein gré un acte qui lui est gravement préjudiciable alors que sa vulnérabilité est prouvée à ce moment-là.
De plus, c’est une constante jurisprudentielle, la Cour de cassation avait interpréter de la même façon dans son arrêt du 16 octobre 2007.

CONCLUSION

La connaissance de l’état de vulnérabilité réalise donc l’élément intentionnel du délit et cet élément doit être apprécié au moment où est accompli l’acte matériel constitutif du délit. Autrement dit, l’accomplissement de tout acte préjudiciable à une personne vulnérable peut être incriminé dès lors que son auteur connaissait cet état au moment où l’acte a été accompli. Ce qui se passe après cette date reste sans influence sur une infraction consommée.

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