Loi pénale dans le temps

Nous commençons avec cet article, l’étude du Droit Pénal. Avant d’y entrer de plein fouet, nous devons connaitre quelques principes de base comme l’application de la loi pénale dans le temps, dans l’espace ect…

Ici, nous allons aborder la question de l’application de la loi pénale dans le temps. Quand est-ce qu’une loi s’applique ? Comment résoudre le conflit entre une loi pénale nouvelle et ancienne ? Y a-t-il rétroactivité de la loi pénale plus sévère ?

Conflits entre les diverses lois

Tout d’abord, il faut savoir que la loi pénale nouvelle ne s’applique pas aux actes commis et définitivement jugés avant son entrée en vigueur. La loi nouvelle s’applique donc aux faits commis après son entrée en vigueur.

La question peut se poser quand la commission d’une infraction, sa poursuite et son jugement se situe sous l’empire de lois différentes ! Par exemple un délinquant a commencé son infraction en novembre 2007, une nouvelle loi intervient en janvier 2008, le délinquant est arrêté en février 2008. Quelle loi doit-on appliquer ? Celle avant janvier 2008 ? Quand le délinquant à commis son infraction ? Ou plutôt la nouvelle loi qui est arrivée après les faits mais avant le jugement ?

Si l’infraction est instantanée (par exemple le vol, qui se réalise en un trait de temps) c’est assez simple, mais cela est plus compliqué si elle s’inscrit dans la durée ! c’est le cas pour :

  • Infraction complexe : Infraction qui nécessite que plusieurs faits différents soient commis (exemple : escroquerie).
  • Infraction d’habitude : Infraction qui nécessite la réalisation de plusieurs faits identiques (exemple : exercice illégal de la médecine).
  • Infraction continue : Infraction qui se prolonge dans le temps (exemple : séquestration).

La question se pose donc, comme dit précédemment, si certains des actes constitutifs sont commis avant l’entée en vigueur d’une loi nouvelle et d’autres après.

Article 112-1 du Code Pénal : Sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils sont commis.
Peuvent seule être prononcées les peines légalement applicables à la même date.
Toutefois, les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes.

Principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère

En effet, en France nous retenons ce principe. De ce fait les incriminations plus sévères ne rétroagissent pas. Par conséquent une personne ne peut ni être poursuivie ni condamnée sur le fondement d’une loi nouvelle pour des faites commis avant son entrée en vigueur.

Par exemple, un délinquant commet une infraction en novembre 2007, en janvier 2008 une loi nouvelle est promulguée, mais elle est plus sévère. En février 2008 le délinquant est arrêté. Ce dernier ne pourra pas être jugé par rapport à la loi de janvier 2008 pour les faits commis postérieurement à cette date. Cela violerait le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

Principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce

On l’a vu précédemment, les lois pénales plus sévères ne rétroagissent pas, et bien c’est l’inverse avec les lois pénales plus douces. On dit qu’il y a le principe de la rétroactivité in mitius

Il est important de noter que la loi nouvelle va s’appliquer lorsque la décision est frappée d’appel, mais aussi lorsqu’elle fait l’objet d’un pourvoi en cassation (on dit de ce fait que l’affaire est pendante devant la Cour de Cassation)
Je m’explique : par exemple le délinquant commet une infraction en novembre 2007, il est arrêté en janvier 2008, condamné en février 2008. Mais le même mois il y a une loi nouvelle qui est promulguée. Le délinquant interjette appel en mars 2008. Ici on appliquera désormais la loi nouvelle de février 2008.

La loi pénale plus douce doit favoriser le délinquant. Cependant il y a une particularité énoncée à l’article 112-4 du Code Pénal :

Article 112-4 du Code Pénal : « L’application immédiate de la loi nouvelle est sans effet sur la validité des actes accomplis conformément à la loi ancienne.
Toutefois, la peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu d’une loi postérieure au jugement, n’a plus le caractère d’une infraction pénale.

Quand est-ce qu’une loi devient plus sévère ?

Il faut voir ici selon la peine et selon l’incrimination

Selon la peine

Une loi est dite plus sévère quand il va y avoir un changement dans la qualification tripartite : si un fait qui était caractérisé de délit devient crime par exemple.
Mais également selon la peine encourue : risquer 15 ans de prison au lieu de 10 ans est plus sévère.

Selon l’incrimination

Une loi d’incrimination est dite plus sévère lorsqu’elle augmente le nombre d’acte qu’elle est susceptible d’englober. C’est le cas par exemple de l’escroquerie :

Article 313-1 du Code Pénal : L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom, ou d’une fausse qualité, soit pas l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.
L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de € 375 000 d’amende.

Selon la peine ET l’incrimination

La difficulté principale réside quand l’un et l’autre sont modifiés. Il n’y a pas de difficulté quand les deux changent dans le même sens (2 ans de prison et € 10 000 d’amende >> 1 an de prison et € 5000 d’amende).

La difficulté comme je le disais est quand l’un et l’autre changent mais dans des sens différents. Alors doit-on couper la peine d’un coté et l’incrimination de l’autre ? Prendre ce qui est plus doux d’un coté et de l’autre ?

Ici tout dépend du juge. On peut citer par exemple deux décisions de jurisprudence :

  • Arrêt du 22 août 1981, chambre criminelle : Les juges n’ont pas fait jouer la loi de façon rétroactive pour les dispositions les plus sévères. Ils ont appliqué les plus douces.
  • Arrêt du 06 mai 1942, chambre criminelle : Loi du 02 septembre 1941 qui avait correctionnalisé le crime d’infanticide et exclus la possibilité de circonstance atténuante. Pour comparer les textes il fallait se fonder sur la disposition principale de la loi.

Un principe sans exceptions en droit, c’est impensable !

Comme vous le savez en Droit, d’un principe découle souvent des exceptions. En effet nous allons voir que dans certains cas, la loi nouvelle plus sévère rétroagit, et quelques fois celle plus douce, ne rétroagit pas.

Les lois d’interprétations (celles dont l’objet est de préciser le sens d’un texte ancien), les lois instituant des mesures de sureté (qui ont un but préventif) rétroagissent.

Si le juge pénal peut démontrer que le texte ancien demeure utile, il pourra continuer à l’appliquer (Arrêt du 6 février 1997, chambre criminelle).

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